Bonjour IAM. Vous venez d’annoncer votre dernier album. Ça y est, c’est la fin du groupe de rap français culte ?
Akhenaton : Non, contrairement à ce que beaucoup de personnes peuvent croire, paradoxalement. C’est important de clarifier que notre groupe n’a jamais été aussi soudé et proche que ce qu’il est aujourd’hui. Et je pense que ça vient du fait qu’on fait beaucoup de concerts. Mais nous l’avons aussi ressenti en créant ce dernier album. Tant la conception, l’enregistrement, le mixe ou encore la promotion n’ont été que des grands moments de plaisir.
Imhotep : En plus, l’envie de créer et de travailler ensemble est toujours présente. On peut imaginer qu’une maison de disques dans 6 mois nous propose un contrat décent et nous fournit un cadre de travail acceptable, je pense que nous n’hésiterons pas longtemps pour faire un nouvel album.
De belles promesses que vous donnez à votre public qui espère certainement une suite ?
Shurik’n : Au niveau de la musique ce n’est pas fini, en tout cas ! Mais au niveau du dernier album, c’est vrai qu’on parlait d’un contexte contractuel. Et que nous souhaitions un certain confort de travail que nous ne sommes pas certains de retrouver. Ces types de contrats, on ne les retrouve plus forcément dans l’industrie de la musique de nos jours.
Aucune projection, donc, sans les bonnes collaborations ?
Shurik’n : C’est ça. Maintenant on a tous fait des expériences sur des projets annexes, des projets estampillés IAM ou d’artistes solos. Mais demain, reste très loin et il nous est difficile de pouvoir annoncer quelque chose. Ce qui est prévu, c’est beaucoup de scène jusque fin 2014. Voire au-delà. Après nous n’excluons rien, car la passion est là et l’envie commune reste. Tant qu’il y a cela, les portes sont complètement ouvertes.
En attendant, que retrouve-t-on dans cet album ultime intitulé « IAM » qui sortira le 28 novembre prochain ?
Akhenaton : Cet album est enregistré dans la continuité de celui qui précède « Arts Martiens » en fait.
Imhotep : Les titres faisaient partie de la même session d’enregistrement, composés et écrits d’ailleurs à la même époque. C’est pourquoi quand nous avons établi la tracklist définitive de « Arts Martiens », nous nous sommes retrouvés avec plus de 45 titres. Le choix était difficile, mais il a dû se faire. Alors nous avons trouvé dommage de ne sortir qu’un album car nous étions sur notre faim. C’était important de faire connaître les morceaux qui sortiront le 28 novembre 2013. Ça été rendu possible par le label Def Jam qui a accepté de le sortir et nous en sommes ravis.
Akhenaton : Mais on ne doit pas vous mentir, ce n’était pas gagné la sortie de « IAM », le prochain album ! Car certains morceaux prévus dans d’autres albums ne sont jamais sortis. Ici, c’est le contraire et c’est dû au fait que l’album « Arts Martiens », marche bien !
Et cet opus « IAM » s’inscrit dans la continuité de le public connaît du groupe ?
Akhenaton : Musicalement parlant, c’est dans la lignée. Mais peut-être avec plus de tempo, plus de mordant et des titres encore plus engagés. Si bien qu’on prend des risques à jouer des morceaux qui ne sont pas encore sortis. Mais au-delà des festivals, nous sommes dans une logique de la tournée d’IAM.
L’engagement, justement, parlons-en car c’est bien un terme qu’on associe à votre groupe. Au niveau de l’actualité française, le Front National qui perce en France comme le montre son score à Brignoles pour les cantonales, qu’est-ce que ça vous inspire ?
Shurik’n : Je vais rester poli (Rires). Cela fait peur et c’est de mauvais augure ! On se rend compte que des personnes cherchent des solutions là où elles ne sont certainement pas, car de ce côté-là, ça va être pire. Ils n’ont pourtant pas l’air de s’en rendre compte. Il y a beaucoup de désespoir, d’ignorance et de peur chez les gens qui sont les principaux matériaux de fonctionnement de l’extrême-droite.
Akhenaton : Les gens sont aussi aigris et ils n’arrivent plus à faire la part des choses. 30 ans que le Front National existe, donc leurs électeurs savent pour qui ils votent. Ils savent que c’est un parti raciste et xénophobe… Ce sont donc des irresponsables ! Quant à la classe politique, qu’elle soit de gauche ou de droite, elle devrait arrêter de dire que ce parti est constitué de contestataires. C’est peut-être des gens qui veulent faire la révolution et qui pensent, mais nous on va leur faire la révolution.
Et côté musique, pensez-vous qu’il y a dans la nouvelle génération des rappeurs tout aussi engagé que IAM ?
Akhenaton : Oui, on peut citer 1995, Youssoupha ou encore Orelsan. Shurik’n : En fait, ce n’est même pas qu’ils se rapprochent de nous, mais ils ont une conception du rap, plus particulièrement du hip-hop, qui est proche de la nôtre.
Quant aux autres, ceux qui sont dans les charts du moment tels que Booba, La Fouine ou Rohff ?
Akhenaton : Je ne sais pas, je ne les écoute pas et je ne connais même pas les morceaux.
Est-ce le signe d’un désintérêt ?
Akhenaton : Ce n’est pas du snobisme, car nous avons plus grandi avec le rap américain. Imhotep : D’ailleurs notre principale source d’inspiration est le rap américain qui est en perpétuelle évolution. Les trois sont pour nous des contre-exemples de choses que nous écoutons. Nous n’avons pas le temps. Alors oui, ils ont effectivement des clics, un buzz… Mais comme dit mon banquier, on ne paye pas son loyer avec des clics et du buzz. En plus, il y a une grande diversité dans le rap. Il ne faut donc pas se cantonner à la partie émergée de l’iceberg, aux quelques groupes qu’on entend sur les grands médias, les artistes un peu mainstream (NDLR : en vogue). On ne peut vraiment pas se limiter au rap commercial, bling-bling.
Enfin, quel regard jetez-vous sur votre parcours ?
Akhenaton : On en parle souvent car on évoque nos souvenirs. Je dirais qu’il n’y rien à regretter. Il y a eu de bons et de mauvais choix, mais cela a toujours été nos choix. IAM, si vous voulez, c’est une longue histoire de travail commun et surtout d’amitié. Quand on fait le calcul, je passe autant de temps qu’avec eux que ma famille. C’est donc aussi la famille, avec les bons et les mauvais côtés, des jours avec ou sans. Nous ne changerions rien à notre parcours ni à notre style de vie. Nous sommes vraiment très heureux de nous lever chaque matin et de faire ce métier. C’est une chance d’allier métier et passion, ce qui est tellement rare de nos jours.