MARSEILLE — "Tous m'appellent Shu": 14 ans après "Où je vis",
Shurik'N, membre d'IAM, sort un deuxième album né sur la route, "pour le
plaisir et sans pression". Eternel "révolté", il défend une "vision
engagée du hip-hop", un peu oubliée à son goût par les jeunes rappeurs.
"Ce
n'est pas un come-back", précise d'emblée le discret Geoffroy Mussard
(de son vrai nom), qui n'a jamais eu l'ambition de faire une carrière
solo.
Son premier opus paru en 1998, en pleine aventure IAM, avait
rencontré un succès dépassant ses espérances: double disque d'or et
encore aujourd'hui des commentaires positifs. "Je ne me doutais pas que
les gens l'auraient traîné aussi longtemps dans leur tête et dans leur
coeur", confie-t-il dans un entretien à l'AFP, dans sa ville natale de
Marseille.
"Je n'avais pas fait de tournée, j'avais rejoint la
meute directement après. Celui-là, je vais le défendre", promet le MC de
46 ans. Déjà en concert à Lyon et Valence en avril, il était samedi
soir à Montpellier, avant Biarritz, Bordeaux, Nantes...
Le
défendre, sans délaisser pour autant la scène avec ses complices de IAM.
"On a la chance d'être booké toute l'année, avec en moyenne deux dates
par mois hors période estivale", se réjouit-il, car "l'éclate suprême,
c'est quand même de partir sur la route et jouer".
L'envie d'un
second album est revenue en tournée, "petit à petit". "Quand tu pars
quatre à cinq mois de l'année, avec une vingtaine de bonshommes dont
certains sont producteurs, d'autres rappeurs, d'autres danseurs ou DJ,
forcément il y a plein d'idées" qui émergent, raconte l'artiste
d'origines malgache et réunionnaise, ancien chaudronnier de profession.
Venu
au hip-hop par la danse, Shurik'N (un surnom en référence à l'Asie,
pour ce passionné d'arts martiaux) a commencé à écrire en 1986-87 avec
son frère Faf Larage, aux prémices du rap français. Avant de rencontrer
Akhenaton et DJ Kheops: c'est la naissance de B Boys Stance, vite
rebaptisé IAM.
Après 25 ans de carrière, il livre un disque de "la
maturité", salué par la critique, et "fidèle à ses convictions, qui ne
s'aligne pas sur les sons du moment", relève l'écrivain et journaliste
spécialiste du rap Olivier Cachin.
L'album se veut plus ouvert que
le précédent, qu'il avait composé seul. Pour "Tous m'appellent Shu", il
raconte avoir "croisé d'autres univers", "sélectionné des producteurs
pour aller puiser dans leur univers", convié Akhenaton, Saïd ou Samm
(Coloquinte).
Se succèdent morceaux lumineux, comme "Le Sud",
"Vivre" ou "Tranche de vie", et morceaux "coups de gueule", tels "Une
flamme dans le noir", "La même chose" ou "Mon fils", inspiré d'un fait
divers et racontant l'histoire d'un père qui perd son enfant et se fait
justice.
Une belle plume, une performance technique, des "sujets
denses pour une vision engagée, issue d'une culture hip hop", quand les
nouveaux groupes oublient souvent, selon lui, d'où le rap vient et
"représentent plus leur bloc et leurs potes que le public" à qui ils
s'adressent.
"Dénoncer, c'est notre conception à nous du rap",
insiste Geoffroy Mussard, inquiet du "monde dans lequel on vit", des
dérives de la liberté d'expression qui poussent politiques et médias à
"relayer des phrases qui ne devraient pas l'être", des "épouvantails
qu'on brandit", de la burqa à la viande halal.Un rap conscient qu'il mettra encore à l'honneur, en collectif cette fois, dans le nouvel album de IAM, attendu début 2013.
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