jeudi 3 juin 2010

Critique des Inrocks sur L'Ecole du Micro d'Argent

Souvenez-vous! C'était le 30 novembre 96, IAM sortait son troisième album qui fit faire un pas de géant au rap hexagonal: L'Ecole du Micro D'Argent. Replongeons-nous dans l'accueil médiatique de ce monument musical:

Critique des Inrocks:

On a beaucoup épuré sur la Canebière, dans les fanfaronnades et le son, pour ne garder que l'essence.

Lao-tseu l'a dit : il faut trouver sa voie. Après avoir terminé son initiation, le petit scarabée IAM a gagné sa ceinture de grand maître du rap français. Il n'aura fallu attendre que trois albums pour voir le groupe atteindre cette sérénité. Sur L'Ecole du micro d'argent, les Marseillais abandonnent la gaudriole qui déridait De la planète Mars et qui aidait à atteindre la ligne d'arrivée du marathon Ombre est lumière. Déjà, l'album solo Métèque et mat d'Akhenaton laissait transparaître une sensibilité d'auteur que l'on sentait bridée à l'époque où le rapper se déplaçait en groupe. Passé ce déclic, IAM n'a aujourd'hui plus besoin de fanfaronnades lorsqu'il se livre au public. Terminé, l'époque où il réglait ses comptes avec les beaufs ou les fafs et qu'il singeait les corbeaux new-wave ou Partenaire Particulier sur des parodies dignes d'une fin de banquet. C'est lorsque IAM ose se dévoiler dans son intimité qu'il séduit le plus. On aurait d'ailleurs bien tort d'oublier les racines méridionales des rappers. La tchatche demeure le point fort des Phocéens qui excellent dès qu'ils se mettent à conter leurs mésaventures, comme sur le brillantissime Elle donne son corps avant son nom. Le temps des vignettes sur son époque est aussi passé. IAM aborde des thèmes plus personnels où la gravité est souvent de rigueur, tel le clin d'œil à NTM à travers l'évocation de la censure sur Dangerous, la mort d'un proche sur Un Cri court dans la nuit ou le désespoir social sur Demain c'est loin. Le groupe n'a donc plus besoin de clamer son identité ni de se montrer au Stade Vélodrome : il s'est trouvé une âme. Et si IAM ose sortir sans gourmette ni chaîne en or, sa musique en devient tout aussi épurée. La lourde rythmique funk qui faisait tellement de dégâts sur scène laisse aujourd'hui la place à une nouvelle sorte de C-funk (C pour Canebière) désossé, qui peut légitimement revendiquer l'appellation originale de drum'n'bass. Pourtant, rien à voir avec la jungle dont l'Angleterre s'est amourachée : c'est plutôt du côté du rap hardcore new-yorkais qu'il faut chercher une filiation à cette trame musicale, qui se laisse volontiers dominer par le couple basse/batterie. A cette rythmique omniprésente se superposent d'innombrables trouvailles musicales répétitives, dont on trouve les racines auprès d'un hip-hop américain à tête chercheuse : on pense parfois à Jeru The Damaja (donc à DJ Premier, donc à Gangstarr) et, bien sûr, aux boucles hantées des lointains cousins du Wu-Tang Clan. Invitée sur le formidable La Saga, la clique de Staten Island est implicitement présente sur nombre de morceaux, soit directement citée (Quand tu allais, on revenait), soit en ombre chinoise (Un Bon son brut pour les truands). La rencontre entre les deux groupes paraît inévitable, tant ils partagent d'influences du côté des imageries orientales ­ guerrières ou médiévales. A cette nouvelle âpreté musicale s'ajoute enfin l'omniprésence de la rugosité verbale de DJ Kheops, qui fait de L'Ecole du micro d'argent un album définitivement plus proche de l'ombre que de la lumière.

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