Le rappeur Akhenaton est un pharaon hip-hop mais aussi gamer. Il joue depuis tout petit, ce qui fait tout de même depuis longtemps quand on a 42 balais. Ce soir-là, il donnait un concert du côté de Bordeaux et s’est décrit sans chichis sous le profil d’un joueur populaire typique, mainstream et masculin, qui cultive assidûment quelques registres et dont les goûts ne s’éparpillent pas : les jeux de sport, de course ou de baston, le plus souvent avec les amis, ainsi que quelques parties plus casual en famille. Néanmoins, le monothéisme d’Akhenaton, c’est le foot.
Chaque année, deux labels immensément populaires autour du monde sortent chacun leur jeu de foot virtuel : le quasi-officiel Fifa, produit par l’américain Electronic Arts depuis 1994 et PES (Pro Evolution Soccer), que développe Konami au Japon depuis 2001. La polarisation des fanboys entre ces deux titres est de l’ordre du schisme Beatles/Stones, Tintin/Spirou, voire Truffaut/ Godard. Longtemps, le Nippon a tenu la dragée très haute au Yankee. Certes, EA dispose de licences prestigieuses signées avec les grands clubs lui permettant de virtualiser les corps et visages des plus célèbres footballeurs. Mais les prouesses de Konami dans l’art du gameplay lui ont permis de maintenir une avance technique qui faisait la différence aux yeux des joueurs acharnés. Ces dernières années pourtant, après de spectaculaires progrès, c’est Fifa qui remporte les suffrages de la critique et des ventes, et pas seulement grâce à son marketing massif.
Tout cela, Akhenaton le sait mieux que personne. En gamer conséquent, il pratique les deux titres ennemis. Et en joueur rationnel, il reconnaît que c’est Fifa qui a remporté le match des deux dernières saisons. Mais son cœur et sa fidélité l’attachent à PES, qu’il choisirait comme jeu de chevet s’il n’en fallait plus qu’un. Et qu’il souhaiterait en illustration à cet article… Il est marrant, Akhenaton. Juste après avoir évoqué une étude scientifique qui établit un lien positif entre la pratique raisonnable du jeu vidéo et le développement des capacités cognitives chez certains enfants, notamment des enfants en difficulté (1), il s’exhibe en affreux mauvais joueur fier de l’être : Infâme dans la «mauvaise foi et le harcèlement de l’adversaire», n’hésitant jamais «à pratiquer l’intox ou le coup de pression», il donne les précautions à son usage : «Le jeu vidéo développe mon esprit bête, méchant et mauvais joueur.» A ce stade, il n’y a plus de famille ni d’amis : «A mes potes, à mes enfants, je leur hurle dessus ! Je suis comme dans une vraie compète sportive : je ne suis pas là pour participer, je veux gagner !»
Son premier jeu a été Pong. Le fameux, l’archaïque, le mythique jeu de tennis consistant en un rectangle blanc (raquette) contre un carré blanc aussi (balle) : «Je vivais chez ma mère mais mon père avait ça chez lui. Après j’ai vécu trois ans chez mon cousin, qui avait une console Atari. Ah ! La grande époque ! Space Invaders ! J’ai aussi dépensé beaucoup de sous dans les salles d’arcade, jusqu’à ce que ça devienne trop compliqué.» Puis viennent les premiers revenus. «La première console que je me suis payée était une Sega Mega Drive. Je me faisais des sessions de dingue : je mettais même le jeu en pause le temps d’aller faire les concerts et je revenais le prendre là où je l’avais laissé.» Si c’est pas du vice…
D’une façon générale, dans le jeu comme dans la vie, Akhenaton est un bavard : «Je parle non-stop, toute la partie.» Ainsi s’explique aussi le fait, plutôt surprenant, qu’il n’aime pas jouer seul. «Même pour les jeux de course de voitures que j’apprécie, comme Need For Speed, et qui se jouent seul, j’aime bien me mesurer à la voiture-fantôme (2), pour me battre contre quelque chose. Même si c’est contre moi-même : il me faut quelqu’un en face.» Cela exclut pas mal de genres, dont les jeux d’aventure : «Oui, non, pas trop, sauf un peu Assassin’s Creed. Sinon, dans le genre jeu de baston, j’ai aussi beaucoup aimé Tekken : je prenais toujours le personnage de l’Œil, un policier qui fait du kung-fu.».
Les jeux en ligne, le poker, ne l’intéressent pas du tout, ni les jeux d’argent. Gamer mature, marié et père, Akhenaton préfère accorder quelques concessions aux nouvelles tendances du casual sur console Wii, façon Cerebral Academy ou Animal Crossing, qu’il pratique en famille («et avec micro»), voire Buzz, sur PS3. Son fils, 15 ans, semble bien parti pour être aussi joueur que le père. La grande chance du premier est que le second en a l’air très fier.
(1) De même, à propos de jeu de foot et à rebours de toutes les idées reçues, une autre étude affirmait récemment que ceux des joueurs qui préfèrent les jeux de sports sont aussi ceux qui pratiquement le plus massivement une activité sportive…
(2) Voiture qui effectue le meilleur tour que le joueur a pu réaliser auparavant sur un circuit donné. Physiquement cette voiture est le plus souvent transparente (comme un fantôme), et impossible à percuter.
mardi 20 juillet 2010
Libération.fr - Akhenaton : «Méchant et mauvais joueur»
[A quoi tu joues ?]. Le rappeur, gamer passionné, inconditionnel de «Pro Evolution Soccer», ne joue que «pour gagner» et avoue «hurler sur ses enfants».
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