Après un essai en 2000 (“Comme un aimant”, coréalisé avec Kamel Saleh), le leader d'IAM passe de nouveau derrière la caméra. Il achève le tournage, dans des “conditions moscovites”, de “Conte de la frustration”, fiction rap atypique commandée par France 2. Notre reporter a fait un saut sur le plateau, près d'Aix-en-Provence.
Ça le chiffonne, Akhenaton. Le leader d'IAM aurait voulu que les journalistes viennent un autre jour sur le tournage de Conte de la frustration, un téléfilm qu'il coréalise avec Didier Darwin, auteur de nombreux clips d'IAM. « Ne vous fiez pas trop à ce que vous allez voir, hein ? », lance-t-il, inquiet. Nous sommes au Divine, une discothèque coincée entre des bretelles de voies rapides à dix kilomètres du centre d'Aix-en-Provence. Le genre de boîtes dans lesquelles on échoue par hasard ou par erreur.
« Moteur ! » Du rap tonicardiaque fait vibrer les boules à facettes ; cramponnés au bar, des figurants figurent les clients d'une boîte de strip-tease ; sur le bar, une très jolie fille en tenue légère se déhanche savamment. On admire le jeu lascif de la comédienne, « c'est une professionnelle du strip-tease », indique Akhenaton, chaleureux mais visiblement gêné. Faudrait pas imaginer qu'il tourne une version XXL d'un clip de gangsta rap ! D'ailleurs, les bimbos, c'est pas du tout son truc. On le rassure : nous avons lu le scénario. Et nous n'avons pas flairé le moindre de ces fantasmes crétins qui pullulent sur MTV.
En fait, Conte de la frustration est une histoire aussi riante que le Divine. La dégringolade express d'un chauffeur-livreur qui s'imaginait une autre vie. Un type qui, de coups de guigne en bravades désespérées, s'enfonce en quelques heures dans des emmerdements plus gros que lui. « Disons que c'est un conte musical. Ou un film de fiction musical et rappé. Ce n'est ni un téléfilm traditionnel, ni une comédie musicale, ni un clip, mais tout ça à la fois, dit Akhenaton. J'ai du mal à le définir, il n'y a pas de précédent. »
Car Conte de la frustration a cette particularité : les comédiens principaux (Nicolas Cazalé, Leila Bekhti, Roschdy Zem, Omar et Fred, Oxmo Pucino) ont chacun leur « double » rappeur (Akhenaton, Amel Bent, Shurik'n, Faf La Rage, Sako), des narrateurs qui commentent les actions. Ils rappent des titres que, pour la plupart, Akhenaton avait écartés de Soldats de fortune, son album solo d'il y a deux ans et demi. « Ils formaient un tout cohérent, de quoi nourrir un nouvel album concept. Et pourquoi pas un film ? J'ai rédigé un "scénar" que j'ai gardé sous le coude. » Akhenaton l'a levé en juillet dernier, lorsqu'il eut vent d'un appel à projets de France 2. Le service public s'était décidé à « ouvrir un espace de liberté créative ». Comprenez : une case en seconde partie de soirée où de jeunes auteurs, pas encore formatés par la télé, sont conviés à secouer le cocotier de la fiction. Et par là même le téléspectateur. « Comme m'a dit un jour Josée Dayan, sourit Hélène Saillon, la directrice adjointe de la fiction de France 2, les téléspectateurs, c'est comme les chiens. Si vous leur donnez tous les jours des croquettes à manger, après ils ne mangent rien d'autre. » Les chiens apprécieront.
250 projets se sont entassés sur le bureau d'Hélène Saillon. Après moult délibérations et concertations, il en reste douze – tournés pour la plupart début 2009 et diffusés problablement à la rentrée prochaine dans une collection baptisée Identités. Douze projets plutôt prometteurs, à commencer par Assad, de Nicolas Tackian, un auteur de BD (et de quelques courts métrages), qui se propose de mêler animation et images réelles. Avec le génocide arménien en toile de fond.
Dans les fumigènes du Divine, Akhenaton libère sa créativité. « Le budget est ric-rac (400 000 € de France 2 + 300 000 € de subventions diverses, NDLR), mais c'est la seule contrainte. » Précisons que le leader d'IAM, auteur en 2000 avec Kamel Saleh du long métrage Comme un aimant, n'est pas un jeune auteur comme les autres. Il a des potes célèbres (Omar et Fred, Oxmo Pucino...) prêts à tourner dans son film pour pas grand-chose, quitte à braver, comme ces jours-ci, « des conditions moscovites ! » Idem pour les membres de l'équipe de tournage – certains l'accompagnent depuis toujours.
Enfin, reconnaissons à Akhenaton une belle clairvoyance dans le choix de ses deux (jeunes) rôles principaux : Nicolas Cazalé (Le Fils de l'épicier, d'Eric Guirado, Le Clan, de Gaël Morel) et Leïla Bekhti (Harkis, d'Alain Tasma). Nous, on veut bien que ces deux-là libérent tant qu'ils veulent leur créativité.
Marc Belpois (Télérama)
Je vous rappelle que:
- la diffusion de Conte de la frustration est programmée pour le 25 juillet à 23h30 sur France 2,
- la bande-originale du film sera proposée sur MeLabel le 26 juillet,
- le DVD du film est prévue pour le mois de septembre 2010.
jeudi 8 juillet 2010
Télérama : Akhenaton, c’est dans la boîte (décembre 2008)
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