lundi 12 septembre 2011

Interview d'Akhenaton et Faf Larage dans Sud Ouest.

«We luv New York » : le dernier album d'Akhenaton et Faf Larage célèbre la ville mythique, symbole ultime d'une Amérique où tout peut s'inventer. Amérique rêvée ? Peut-être. Mais la Grosse Pomme demeure le creuset de tant d'avant-gardes et l'épicentre du mouvement de fond qui a façonné la vie des deux rappeurs : le hip-hop. Hier soir, fraîchement débarqués de Marseille, Akhenaton et Faf Larage ont investi la scène de Black & Basque.

« Sud Ouest ». Akhenaton, est-il vrai que vous avez découvert le hip-hop lors d'un voyage à New York ?

Akhenaton. Disons que j'y ai découvert le hip-hop dans sa forme naturelle, originale. C'était effectivement lors d'un voyage chez ma tante. Dans mon parcours de petit gamin chanceux, rital, j'avais ces racines siciliennes qui font que j'ai des proches à travers le monde. C'était au début des années 80. J'étais un bon petit et ma tante m'a dit : « Puisque tu as bien travaillé, tu viendras nous voir à New York ».

Décririez-vous un choc ?

Un choc, oui. J'avais 13 ans en 1981, j'étais un ado qui fantasmait cette ville. Disons que je l'ai rêvée entre 1981 et 1984. Et puis j'y suis allé. Ma famille qui a longtemps vécu à Brooklyn a déménagé dans le Connecticut (le petit état limitrophe de New York, NDLR). J'ai pris le train pour aller à New York, j'ai traversé le Bronx, Harlem pour arriver sur la 42e et Times Square : j'ai débarqué dans ce New York rêvé. On dit souvent qu'il faut se méfier de ses fantasmes mais cette ville était à la dimension de mes fantasmes. (Vers son acolyte). Ça t'a fait ça, toi, Faf ?

Faf Larage. Moi, c'était au début des années 90. Tu vois les États-Unis comme tout un chacun, à travers la télé et les films. Tu as des images des lieux. Le choc, ça a d'abord été de me retrouver dans ces lieux. Ceux de mon imaginaire, quelque part. L'autre claque a été musicale. En France, on se bat pour faire respecter notre musique, surtout à l'époque. Là-bas, c'était quelque chose d'évident. De naturel.

Vous diriez que le hip-hop relève d'une essence, là-bas ?

A. Pour tourner le clip de « We luv New York », on y a été en famille. On avait les enfants, alors on est allé au M & M's store. A un moment, on a entendu un morceau de Bob Base et DJ E-Z Rock. Il y avait des gamins de 19 ans qui se sont mis à bouger sur cette musique qui n'est pas de leur génération. Ils ne la connaissaient pas et ils étaient à fond…

F. L. … Mais ça leur parlait, tu vois. Ça s'impose à eux.

Comme dans la chanson d'IAM « Ça vient de la rue », on peut dire que ça vient de là-bas…

A. Ça vient des rues de New York, donc. Mais le hip-hop n'y est pas fermé. Il y a l'âme du ghetto, mais c'est en même temps ouvert. Dès le départ, la branchitude new yorkaise était de la partie aussi.

F. L. Ça vient de la rue ne veut pas dire que ça doit y rester. Au contraire.

Y a-t-il de la nostalgie dans votre album ?

A. La nostalgie, elle est ''backstage''. Ce sont les lieux et nos souvenirs dans les lieux. Des choses plus personnelles. Mais il n'y a pas de nostalgie dans l'écriture de l'album et la musique. On regarde vers l'avant.

F. L. On va à New York où il y a le respect de la ''old school'', on écoute du rap new yorkais, on puise à la source. Mais pour faire quelque chose d'actuel.

Vous venez défendre « We luv New York » en ce 11 septembre, dixième anniversaire des attentats du World trade center. Que gardez-vous de cet événement ?

A. Surtout l'énergie extraordinaire des New Yorkais. Ils ont été blessés, meurtris, mais il y a plus d'apitoiement ici que là-bas. Je crois qu'ils ont cette conscience d'être le phare du monde. Cette ville qui fait rêver l'occident comme les pays en voie de développement.

N'est-ce pas autant un syndrome américain que new yorkais ?

F. L. Il y a quelque chose de plus à New York : la force du mélange. C'est une ville extrêmement cosmopolite où ça n'a pas de sens de se dire ''je suis originaire de là-bas''. Ils se disent ''je suis de New York''. C'est puissant.

En tant que musulmans, avez-vous ressenti une défiance nouvelle après le 11 septembre ?

A. Les amalgames ont été faciles et légitimés après les attentats. Et je pense que la défiance, le soupçon étaient plus forts en France qu'aux États-Unis. Là-bas, on a vu les musulmans tendre des drapeaux américains sur les mosquées, avec des messages d'unité et de solidarité. Mais tous ceux qui en avaient après les musulmans se sont engouffrés dans la brèche des attentats. Et cela a ouvert une porte à la violence des États avec les invasions et les guerres qui ont suivi.

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