mardi 19 juin 2012

[La Provence] Imhotep, guide sensoriel

 Photo Patrick Nosetto

Il qualifie lui-même son disque d'objet sonore non identifiable. Kheper est en tout cas la seconde expression d'un genre, l'ethnotronica, qu'il a lui-même initié en 1998 avec un premier album solo, Blue Print. En marge du rap et de son aventure avec IAM, Imhotep révèle, ainsi, un empire sonore abyssal qui puise dans les cadences ancestrales et leur donne une identité nouvelle au gré de boucles méditatives et transcendantes. Imhotep, l'homme de l'ombre du rap, le "beatmaker" obscur du groupe marseillais, serait-il une sorte de guide sensoriel ? Rencontre.

Vous présentez un deuxième disque solo quasiment en même temps que votre compère d'IAM, Shurik'n, qui lui aussi revient au solo plus de 10 ans après un premier album sans IAM. Pourquoi ?
Imhotep : 
Parce que Shurik'n et moi, on a à peu près le même parcours. Je crois qu'on peut, pour tous les deux, imputer au moins 10 ans au fait qu'on a été très occupé par IAM. Ensuite, on peut donner 3 ou 4 années à l'évolution de l'industrie du disque. Les maisons de disque ayant coulé, on a été contraint et forcé de revenir à l'indépendance. Et Shurik'n et moi, on ne s'est pas vraiment préparé à ça, à la différence d'Akhenaton qui, lui, avait anticipé les choses en montant sa structure. C'est pourquoi il a été plus rapide pour lui de présenter des projets solo. Quant à Kheper, c'est un travail que je mène en parallèle de ce que je fais dans le rap. Il est le résultat d'une banque de sons que je me fais au long cours d'idées trop barrées ou trop bizarres pour être utilisées dans le rap. Il y a deux ans, je me suis dit qu'il était temps de me remettre sérieusement sur ce chantier.

Que signifie "Kheper" ?
Imhotep :  Khepri, c'est le scarabée sacré égyptien qui a pour fonction de pousser le soleil. Il est ainsi associé à la notion de renaissance et de recyclage. C'est un des plus anciens principes philosophiques et mystiques. Kheper, c'est donc le verbe. Cette notion de cycles me plaît bien. Et puis, dans ma musique, j'utilise des sons hétéroclites pour créer quelque chose de nouveau.

C'est quoi l'ethnotronica ?
Imhotep :  C'est de la musique électronique basée sur des samples de musiques ethniques. J'aime bien l'idée d'être inclassable. Mais pour Blue Print, personne ne savait où me mettre. Alors j'ai inventé un genre pour moi.

Pourquoi est-il forcément instrumental ? Pour la transe ?
Imhotep :  Oui. Je suis d'accord avec l'idée de transe. Je voulais que cela soit une musique que l'on écoute sans réfléchir. Qu'elle soit suffisamment abstraite pour que chacun projette ce qu'il veut dans ce qu'il entend. Dans le rap, le premier propos c'est le texte ; la musique n'est là que pour le soutenir. Dans la musique expérimentale, on n'est pas obligé de réfléchir, on peut simplement penser.
Ce disque dévoile donc un peu plus de votre paysage musical intime...
Imhotep :  Oui. Il est mon jardin secret. Mais j'espère qu'il ne le restera pas trop longtemps. Il résulte d'une liberté totale de créer.

Le rap ne semble être ainsi que la partie visible de l'iceberg.
Imhotep :  J'aime bien cette notion d'iceberg . Oui, le rap n'est qu'à la surface de mon travail. Le meilleur est sous l'eau mais il faut aller le chercher.

Les deux sont-ils difficilement compatibles ?
Imhotep :  Non. Parce que la recherche musicale se fait en permanence. Quand je prends des samples, je ne sais pas encore à quoi ils vont servir. Et puis, je reste dans la tradition du "beatmaker" du hip hop. La seule chose compliquée à gérer, c'est le planning.

Comment l'homme de l'ombre que vous êtes va-t-il défendre "Kheper" sur scène ?
Imhotep :  C'est pas que je n'aime pas la lumière, c'est juste que je préfère qu'on m'entende plutôt qu'on me voie. Ceci dit, j'ai conscience que pour le live, Imhotep tout seul, ce n'est pas très emballant. Je suis donc accompagné des Djs Djel et Rebel, et de Rastyron, un vétéran du clavier du reggae. Un show visuel est en cours. Et j'ai pensé aussi à une création chorégraphique.

Où en est le prochain disque d'IAM d'après les musiques d'Ennio Morricone ?
Imhotep :  Il est en cours mais il a bougé. A l'époque, on avait présenté des maquettes à Ennio Morricone qui avait validé le projet. Le problème c'est que ses musiques ont été faites pour le cinéma. Quand on a reçu les réponses des producteurs de films, l'addition était beaucoup trop salée pour faire notre concept album. Du coup, on a gardé 2 ou 3 titres d'Ennio Morricone et on réfléchit au propos du disque. Peut-être conserverons-nous la thématique du cinéma ? En tout cas, il devrait sortir en avril prochain.

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