mercredi 26 septembre 2012

Excellente interview d'IAM pour le site RepreZent



L'article original est ici.
Il est 21h15, IAM vient d’arriver au Tohu Bohu. Les backstages vibrent sous l’excitation de recevoir ces piliers de l’histoire du hiphop français. Avant de monter sur scène, IAM peut enfin accorder un petit entretien à repreZent. En effet, voilà près d’une année qu’on remue ciel et terre, qu’on attend pendant des heures en festivals et qu’on envoie mille et un e-mails pour pouvoir revenir sur quelques points fondamentaux de leur carrière. Les difficultés n’illustraient pas un refus, mais des problèmes de timing. L’air frais du Valais nous a finalement permis de cueillir ces quelques mots. On vous laisse donc avec leur verbe aux accents marseillais qui nous dévoilent, entre autres, vérités et news sur leur prochain album.
repreZent : IAM est considéré comme une des cellules souches du rap français, un pilier, comment est-ce que vous expliquez cela ? 
Akhenaton : Je pense que c’est tout simplement parce qu’on est arrivé tôt…
Shurik’n : Ouais on était les premiers donc c’est vrai qu’historiquement on est de la première génération. Après, c’est difficile à expliquer, il n’y a pas réellement de formule. Dès le départ, on a eu une ligne directrice et l’on s’y est tenu. Je pense que la loyauté est quelque chose qui a vachement été apprécié par les gens. En plus, on se rend compte qu’on a un public qui est transgénérationnel. C’est flatteur de voir que nos morceaux peuvent être transmis de génération en génération. Mais on n’a pas de recette… En ce moment, on attaque le nouvel album sans recette, on fait les morceaux au feeling. C’est sûr qu’on part avec certaines idées, ça a toujours été comme ça, on fait nos choix. Pour moi, c’est la somme des bons et mauvais choix qui fait qu’on est là où l’on en est aujourd’hui. Mais encore une fois, c’est avec le temps, certains succès qu’on a pu avoir aussi… des succès qui n’ont pas été forcément recherchés. La démarche du processus de création est quelque chose d’égoïste, on est deux, on écrit et les morceaux sont mis à la sélection des critères du groupe en entier. Si malgré cela on arrive à trouver une oreille attentive depuis le temps, c’est que les gens se reconnaissent un peu plus dans notre discours et dans notre ligne de conduite.
Akhenaton : Il y a aussi un truc qui est important c’est que dès le début, on a eu une sorte d’avance technique sur d’autres groupes. Nos multiples voyages à New York nous ont permis d’avoir la capacité utiliser des samplers dès 1987. J’ai quasiment passé deux ans et demi à New York, Kheops et Shurik’n ont effectué de multiples aller-retour. Je pense que ceci a beaucoup joué.
repreZent : C’est donc pour ça qu’Iam était autant en avance techniquement sur le reste de la scène du rap français?
Akhenaton : Parce que beaucoup de rappeurs français affectionnaient un euro-rap, on va dire… avec un rap très rapide. Alors que nous, on était dans la dissection new-yorkaise.
Shurik’n : On est toujours restés très influencé par New York, tout au long notre carrière. Ceci même s’il y a eu un essor du rap français et que beaucoup de gens en écoutent maintenant. On a été éduqués par le rap new-yorkais, c’est ce rap qui nous parle et c’est celui-là qu’on va chercher et qui va nous inspirer. Mais à tous les niveaux; la technique, le son des caisses claires, la vitesse des rythmes, etc.
Akhenaton : À plus de quarante piges, c’est toujours le cas. On écoute tout ce qui sort, les couplets des mecs. On est toujours dans la dissection. Je pense qu’être bon dans le rap, c’est aussi savoir être à l’écoute des gens qui font très bonnes choses et bénéficier de leurs avancées, de leurs idées. Le sample est une culture à plein de niveaux.
Shurik’n : À notre âge, c’est également une obligation. Le rap est une musique qui évolue très très vite et c’est une musique de laquelle on ne peut pas se permettre de décrocher. Après, c’est très dur de revenir. C’est une musique avec laquelle il faut toujours rester en contact, écouter les changements, les nouveaux flows, les arrivants. Décrocher ne serait-ce que six mois, c’est déjà énorme pour un rappeur ou un producteur.
repreZent : Mais revenons à vos débuts, la légende dit que c’est Joey Star qui a déposé votre cassette « concept » dans les maisons de disques parisiennes… 
Akhenaton : C’est partiellement vrai, mais c’est Squat d’Assassin qui avait la casette, Joey était avec lui. Je vais mettre une vérité dans la légende. On a un ami proche à Marseille qui s’appelle Yvan et qui est le cousin germain de Squat. Yvan récupère notre cassette et quand son cousin descend de Paris il lui dit « écoute j’ai un groupe à te faire écouter de Marseille » et le charie en lui disant que c’est monstrueux. Quand Squat a écouté la cassette, ça lui a plus et il a donc pris la cassette et a fait le tour de Paris avec en étant accompagné de Joey.
repreZent : Ensuite vos deux premiers albums qui ont eu un succès d’estime auprès des fans de rap. Puis arrive « L’École du Micro d’Argent »… 
Akhenaton : Ce succès est étrange… c’est un album qui est plus martial que les deux précédents et c’est lui qui va toucher le grand public…
repreZent : Cet album confirme et représente la consécration de votre position de pilier du rap français auprès d’un plus large public (même si « Je Danse le Mia », extrait de l’album « Ombre et Lumière », avait ouvert la voie). Cet album est un monument de l’histoire du hiphop français et vous n’avez pas retrouvé un tel succès depuis… est-ce que vous pensez qu’il y a une raison par rapport à cela ? 
Akhenaton : Il y a de multiples raisons et c’est pour cela que c’est très difficile d’analyser l’histoire. Pour te dire la vérité, je pense que si l’on sortait cet album aujourd’hui, on n’en vendrait pas beaucoup. À l’époque, on avait vraiment un contexte où la variété française s’était complètement effondrée, le rap avait complètement supplanté la variété et l’on était présent dans tous les médias, sur toutes les grosses radios et chaines de télé. Ceci explique qu’on a pu toucher un public très très large. Aujourd’hui, un groupe comme IAM est joué nulle part. On est trop rap pour les radios commerciales et trop adultes pour les radios rap « enfantines ». Du coup, on n’est nulle part. Après artistiquement il y a peut-être des trucs qui sont différents et que cet album-là a une sorte de simplicité brute qui fait son succès. Il faut aussi savoir se regarder et réaliser qu’il a correspondu à une époque où l’on a su faire un ensemble de morceaux super cohérent. Mais au-delà de tout cela, le contexte joue énormément.
repreZent : Le public vibre toujours autant sur les titres de « L’École du Micro d’Argent » et est surtout réceptif à ces morceaux-là. N’avez-vous jamais pensé faire une tournée hommage de cet album comme des groupes comme Metalica peuvent le faire ? 
Akhenaton : Ce n’est pas le moment puisqu’on est en train de créer d’autres morceaux…
Shurik’n : Je nous connais, même pour une tournée hommage, on sera obligé d’envoyer de l’inédit parce qu’on a toujours été comme cela. Il fut un temps, ça a été un de nos défauts. C’est-à-dire qu’on avait du mal à jouer les classiques que les gens attendaient parce qu’on se focalisait sur la nouveauté. Il nous a fallu du temps avant de se dire qu’on était obligé de jouer certains morceaux. Finalement, vu que les gens s’amusent dessus, on s’amuse également et il y a moins le côté redondant du vieux tube. Mais, c’est vrai que ça nous a demandé de faire la démarche vu notre conception de la scène…
repreZent : Pour revenir à « L’École du Micro d’Argent », vous êtes arrivés avec une scénographie complète qu’on ne voit plus trop chez vous… 
Shurik’n : Ce sont des choses qu’on avait déjà faites avec les albums précédents…
Akhenaton : Tu sais que sur la dernière tournée il y a eu une très grosse scénographie. La tournée 2007 « Saison V » a été très courte, mais pour moi ça a été la meilleure scénographie. On avait un mur de LED bien avant que beaucoup l’utilisent et on avait conçu les images pour le spectacle. On jouait notamment le morceau « La fin de leur monde » qui a été écrit au moment de la tournée. C’était un des moments les plus forts des tournées d’IAM. Il fallait voir les têtes des gens quand on jouait ce titre-là et que le clip passait derrière. C’est à double tranchant, ça plombait l’ambiance, mais, en même temps, c’est un moment où les gens applaudissaient énormément et on pouvait carrément voir des gens pleurer.
repreZent : Parlons un peu du prochain album… 
Akhenaton : C’est très dur pour nous d’en parler parce qu’on est en plein dedans…
repreZent : On avait entendu dire que ce serait une sorte d’hommage à Ennio Morricone… 
Akhenaton : c’était ça au début, mais il y a eu des changements. Quand on a voulu faire cet hommage et qu’on a commencé à choisir les samples et qu’on a eu à faire avec les labels qui produisaient les BO ça a été moins facile.
repreZent : Trop cher ? 
Akhenaton : Ah laisse tomber !
Shurik’n : Le seul problème qu’il y a, c’est qu’en France on a la protection du droit moral.
Akhenaton : Ouais voilà, c’est la seule différence avec les États-Unis. Par exemple, si tu es un producteur américain et que tu te fais gauler pour un sample que tu n’as pas déclaré, tu vas uniquement payer au prorata de ce que tu as vendu. En France, si tu te fais gauler, tu peux payer des sommes même si tu n’as rien vendu. Pourquoi ? Parce qu’il y a la protection du droit moral. Ce qui fait qu’on est inégaux devant le sampling face aux Américains.
repreZent : Du coup, comment va être cet album ? 
Akhenaton : Ça va être du sample shop ! On démonte les samples et on recompose dessus. Peut-être qu’il y aura quelques samples de Morricone mais ça va être un album assez éclectique tout en étant très hiphop.
repreZent : On saute un peu du coq à l’âne, mais quelle est votre vision de l’évolution du rap français ? Est-ce qu’à votre avis la mission du rap a été atteinte ? 
Shurik’n : Ce n’est pas encore fini ! Je ne pense pas qu’il avait une mission à accomplir. Je pense qu’il avait juste à exister par lui-même. Nous, dans notre conception, oui. Mais, le rap n’est pas à sens unique. Il y a tant de rap qu’il y a de producteur ou de MC. Notre conception du rap ne correspond peut-être pas à la vision que quelqu’un d’autre peut avoir du rap. Même si on laisse une place à l’amusement, vu qu’on fait une musique de block party à la base, ce n’est que bien après que le discours est apparu, l’aspect qu’on apprécie le plus c’est celui où on va prendre position. Mais, c’est surtout les instrus qui guident le thème et la structure.
repreZent : C’est ça qui vous a donné l’envie de rapper?
Akhenaton : C’est devenu très tôt une passion. C’était surtout une culture qui était très accessible et abordable. On pouvait faire partie du hiphop en graffant, en dansant, en rappant.
Shurik’n : On a commencé avec des disciplines différentes en plus. Akhenaton et moi dansions par exemple. C’est une culture à part entière ! On a vite compris qu’on pouvait être très vite acteurs et ne plus être spectateurs ou passif. On avait déjà la passion et la culture nous a de plus en plus impliqués dans son sein et a pris de l’importance dans nos vies. Après voilà, quand on a le privilège de pouvoir vivre d’une passion, on ne s’en prive pas. On fait des choix dans des situations où on n’a rien de prévu. On prend des risques. Mais quand tu es passionné, tu ne le perçois pas comme cela.
repreZent : Shurik’n, dans un documentaire dans Le Mouv’, sorti en 1991, tu nous disais que le rap est le journalisme urbain par excellence, c’est toujours le cas ? 
Shurik’n : Pour nous, c’est toujours une des facettes. C’est vrai qu’on n’oublie pas les Block Party qui sont à la base du mouvement. Mais c’est vrai que l’aspect qui nous a interpellés c’est l’écriture et on a très vite compris que si on voulait parler de choses qui nous concernent et faire en sorte que les gens en face nous comprennent, il fallait qu’on le fasse en français et bien. On a donc très vite expédié les « Clap your hands » et les « wesh wesh ». Dès qu’on a vu que les gars parlaient de choses qui n’avaient plus rien à voir avec le divertissement et qu’il y avait aussi cet aspect-là qui se développait, ça nous a interpellés puisqu’on avait des choses à dire !
repreZent : Malgré tout, aujourd’hui encore, le hiphop est toujours un peu marginalisé… 
Shurik’n : Il n’est pas reconnu à sa juste valeur.
Akhenaton : Ce qui est très étrange puisque c’est une musique très écoutée. Malgré cela, dans les grands médias, cette musique a toujours une connotation négative.
Shurik’n : Pour nous, l’exemple flagrant, c’est quand on joue dans des festivals en Suisse ou en Allemagne et qu’on voit les partenariats qu’ils arrivent à obtenir. On peut voir des grandes marques de voitures, de sport… Ce sont des choses qui chez nous sont impensables ! C’est dire l’image que véhicule cette culture encore aujourd’hui en France.
repreZent : Du coup, d’après vous, le message d’Afrika Bambaata (« Peace, Love, Unity & Having Fun ») est toujours d’actualité?
Shurik’n : Au jour d’aujourd’hui, la société l’a rendu un petit peu utopique. Mais, après y croire encore et se diriger vers cela est toujours quelque chose qui se fait. Je pense que c’est aussi l’essence de la vie. On voudrait tous vivre de Peace, Love, Unity and Having Fun. Je pense que nous sommes encore issus de cette culture-là.
Akhenaton : Peace, Love, Unity and Having Fun sont devenus Shit, Drogue et Heavy Guns
repreZent : Et pour terminer, notre traditionnelle : Quelle est votre définition du terme « repreZent » ? 
Akhenaton : Pour moi, « repreZent » c’est quelque chose qui est apparu il y a pas mal d’années dans le rap. C’est un concept important qui, selon moi, veut dire : quand tu repréZentes une culture, une ville, un endroit. Tu dois le faire au mieux de ce que tu peux, pas au plus mal. Tu ne dois pas repréZenter en ayant la tenue du délinquant ou du malfrat, mais tu dois repréZenter dans la ou les disciplines où tu exerces. C’est-à-dire, pratiquer un bon flow, écrire de bonnes paroles, se comporter correctement. Tu vois, tout ce genre de truc, pour moi, c’est repréZenter. Quand tu es le porte-drapeau d’une ville, tu as une ligne de conduite qui va avec.
Shurik’n : Voilà, c’est exactement ça

5 commentaires:

  1. Bonne interview.
    Dommage que ça ne parle pas plus du prochain album car je suis impatient.

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  2. HARKIS LES CAMPS DE LA HONTE :lien vers http://www.dailymotion.com/video/xl0lyn_hocine-le-combat-d-une-vie_news
    En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l'époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l'Ardoise, ceinturé de barbelés et de miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l' isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd'hui se décide à parler.

    35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat.


    Sur radio-alpes.net - Audio -France-Algérie : Le combat de ma vie (2012-03-26 17:55:13) - Ecoutez: Hocine Louanchi joint au téléphone...émotions et voile de censure levé ! Les Accords d'Evian n'effacent pas le passé, mais l'avenir pourra apaiser les blessures. (H.Louanchi)

    Interview du 26 mars 2012 sur radio-alpes.net

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  3. merci cété cool. oui par contre sa parle pas trop du nouvelle album , on voit que eux meme ne savent pas a cent pour cent comment il va etre

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  4. Y a pas une coquille ?
    Quand Shu dit : "Akhenaton et moi dansions par exemple"
    C'est plutôt Kephren qu'Akhenaton ou alors j'ai loupé un épisode ^^

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  5. Très bonne interview en effet, merci !

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