lundi 27 mai 2013

Bonne interview d'IAM sur SoFoot



Commençons par une interrogation que tout le monde s'est posé en voyant débarquer Arts Martiens. On promettait un album travaillé avec les samples d'Ennio Morricone, mais ses producteurs ont été aussi gourmands que Samuel Eto'o financièrement parlant, c'est ça ?
Akhenaton : C'est presque ça (rires). Disons que non seulement, ses producteurs se sont montrés très gourmands financièrement, mais en plus de ça, ils nous imposaient des conditions qui étaient tout simplement inacceptables pour envisager IAM Morricone. C'est à dire qu'ils ne nous donnaient pas l'autorisation de renommer ses titres. On avait pourtant tout préparé. On avait réservé un studio d'enregistrement à New York en janvier 2013, on avait loué un appartement. On avait fait appel à un ingénieur son, une pointure. Il donne aujourd'hui des cours dans des écoles new-yorkaises et n'était libre qu'en janvier. Tout ça nous a couté les deux tiers du budget prévu pour monter l'album, mais on a préféré laisser tomber parce que dans ces conditions, c'était juste pas faisable.

Justement, faute de moyens, vous avez fait comme le club qui vous est cher en vous reposant sur le savoir-faire des forces en présence...
Akhenaton : L'analogie est bien trouvée. C'est tout à fait ça, on a fait un peu comme l'OM. Du coup, on s'est retrouvé dans une villa et on a monté des ateliers par petits groupes, pour une sorte de brainstorming. Kheops bossait sur ses scratchs, Imhotep était à la compo, Shurik'n et moi sur les textes, etc. Et du coup, ça a créé une émulation et on a réussi à monter Arts Martiens comme ça. Imhotep : C'est un vrai travail d'équipe en fait, on l'a joué collective.

Et vous avez gagné un joli trophée avec ce disque d'or...
Akhenaton : Pourtant, quand on est arrivé chez Hanouna, je sentais venir la casserole, genre la vieille cassette de breakdance des années '80, avec des têtes pas possibles. Mais alors là, c'était vraiment bon. Je peux te dire que ce disque d'or en particulier, c'est un pur bonheur, peut-être encore plus fort que ce qu'on a pu connaître auparavant. Ça veut dire que notre boulot est reconnu dans la durée. Et compte tenu de tout ce qui s'était passé pour IAM Morricone, le fait qu'Arts Martiens ait été un pur travail d'équipe, ça rend la chose encore encore plus belle. Pour reprendre le langage un peu propre aux footeux, même si je sais que c'est complètement langue de bois de dire ça, on n'aurait jamais pu atteindre un tel résultat sans l'apport de tous. Parce quand dans les conditions où cela s'est fait, c'est la réalité.


Et pourtant, notamment sur les réseaux sociaux, certains se sont empressés de critiquer le manque d'originalité ou de prise de risque et de vous mettre quelques boites à la cheville façon Cyril Rool...
Imhotep : Tu sais, ce sont peut-être ceux-là même qui se sont empressés de nous critiquer pour Saison 5, parce qu'ils trouvaient l'album trop différent de ce qu'on pouvait proposer sur L'école du micro d'argent ou sur Ombres et lumières alors...

Vous serez l'une des têtes d'affiche d'Urban Peace 3, au stade de France, à la fin du mois de septembre. Partager la scène avec des joueurs ayant des philosophies de jeu diamétralement opposées à la vôtre, ça ne vous titille pas ?
Akhenaton : Non, absolument pas. On nous aurait proposé de jouer trois titres, on ne l'aurait pas fait, mais là, ça sera 45 minutes, donc tu as le temps d'installer quelque chose. Et puis même si ce qu'on fait est différent, on respecte des mecs comme Youssoupha ou Orelsan qui seront de la partie. D'ailleurs, plus largement, si tu regardes les festivals qu'on a pu faire ou ceux à venir, tu vois qu'on a partagé l'affiche avec des mecs issus d'univers complètement différents au nôtre comme l'électro ou d'autres. On en a même fait avec des groupes de métal...


De Marseille, comment est-ce qu'on perçoit les clashs et rivalités entre certains noms de la scène française ? N'est-ce pas quelque chose monté de toute pièce à des fins commerciales et économiques, un peu comme ce qui a été fait entre le PSG et l'OM, qui n'étaient en rien antagonistes avant les années '80 ?
Akhenaton : Bon, on n'est pas dans la tête des artistes ou des gens qui interviennent dans tout cela, donc difficile de juger, même si c'est vrai que ça peut sembler un peu gros. Imhotep : Le sentiment que ça suscite chez nous, c'est juste une totale indifférence. Akhenaton : A l'époque, quand on a essayé de créer une pseudo rivalité entre NTM et nous, on a jamais répondu à tout ça pour la simple et bonne raison qu'il n'y avait rien entre nous, c'était du vent et la concurrence, elle était juste à travers les albums qu'on lançait et qu'eux lançaient. Peut-être qu'il y avait une sorte de code d'honneur, c'est vrai.

On pourrait dire que vous pratiquez le catenaccio, surtout si on se réfère à l'un de vos titres, 4.2.1., qui fleure bon la tactique d'une équipe de corpo qui bétonne et joue la carotte devant avec une seule pointe...
Akhenaton : Bien vu (rires). En fait, mon grand-père était docker et beaucoup de gens de cette profession jouaient parfois tout dans le 421, quitte à tout perdre. Tu les voyais tous ces dockers, ces immigrés italiens, qui se retrouvaient près du port ou dans certains quartiers pour jeter les dés et tout claquer, tout jouer... Imhotep : (il coupe) Parfois même leur destin pour certains...Akhenaton : Même leur destin... Ce titre, ça peut d'ailleurs être un parallèle entre le foot et ce qu'on a voulu retranscrire. Il y a une part de hasard que tu ne maitrises pas et qui peut tout faire basculer d'une seconde à l'autre. Combien de matches se jouent à rien du tout et l'équipe qui domine tout le match se prend un contre et perd un à zéro?


Akhenaton, tu nous avais déclaré en 2011 préférer le football spectacle de Gerets aux victoires sans saveur à tout bout de champ de Deschamps. Du coup, je présume que l'OM version Baup t'emballe autant qu'une invitation à un concert de M. Pokora ? 
Akhenaton : Qu'il est méchant... Cette année, c'est vrai qu'on a pu voir les deux facettes. Un OM qui joue mais qui perd parce qu'en face, les mecs mettent le gardien, sa famille et les kinés pour bétonner le but, et un OM qui déjoue mais gagne. Donc honnêtement, pour être tout à fait franc, j'ai pris du plaisir à les voir parce que même si on n'avait pas l'effectif et le jeu de Paris ou même de 
Lille et Saint-Etienne, on a été cherché cette deuxième place. Et puis quand j'entends les noms qui circulent pour l'an prochain, ça commence déjà à me plaire. Le petit Alessandrini ou Payet, c'est du tout bon ça. Imhotep : Je vais te dire, pour moi, c'est comme si on était champions de France. Parce que si on fait un ratio des moyens à disposition et des points qu'on a été chercher, c'est énorme ce qu'on a fait. Je n'ai rien contre Paris, mais on ne boxait pas dans la même catégorie. Akhenaton : Alors là, tu vois, typiquement, c'est l'un des sujets sur lequel on n'est pas d'accord au sein d'IAM. En France, on a un problème avec les nouveaux riches. Mais quand on parle du Real Madrid ou de Manchester United, on ne pense pas illico à leurs thunes. Tandis qu'avec le PSG, ça fait tout de suite polémique. Mais si on veut avoir de beaux matches en France et des joueurs qui en valent la peine, tu es obligé d'avoir les moyens aujourd'hui. Donc qu'on arrête de leur tomber dessus parce qu'ils peuvent s'offrir ce qu'on ne peut pas avoir, car ça profitera au foot français dans son ensemble.

On va rester dans les années en 3... Racontez-nous votre 26 mai 1993. Akhenaton :On était en plein enregistrement d'Ombre est lumière à l'époque. Je me rappelle qu'on était dans un studio à Aix-en-Provence, qui s'appelle La Plaque. Je m'en souviens bien parce qu'on avait fait un pari avec notre directeur artistique, qui n'est malheureusement plus de ce monde. Il était d'origine italienne et avait parié qu'il se jetterait à poil dans la piscine si Milan perdait. Bon c'est ce qu'il s'est passé. Je me souviens aussi de Kheops. Il était resté silencieux tout le match, et quand on a gagné, il avait explosé pour aller glisser sur le ventre dans le couloir du studio. Il avait complètement craqué. Et puis ce qui s'en est suivi, c'était de la folie. Pendant trois jours, c'était un peu en mode boys-band. Tu voyais les joueurs passer à la télé et pleurer de joie. En plus, on a eu la chance de voir ça de près puisqu'on arrivait à les côtoyer. D'ailleurs, c'est un peu après que j'ai pu faire l'une des plus belles rencontres dans ce milieu. Bon j'ai le privilège d'avoir de bonnes relations avec Zizou, Canto, Di Meco ou d'autres, mais Sonny Anderson... Je te jure, qu'est-ce que j'aime ce mec, un grand monsieur. Dire qu'on est allé le chercher au Servette de Genève. Le Servette quoi ! Dommage qu'il se soit trompé de lettre derrière le O d'olympique plus tard...Imhotep : Franchement, je suis nostalgique de cette époque, parce que le jeu et les valeurs prédominaient sur l'argent. Ça fait un peu rabat-joie de dire ça, mais c'était un peu plus authentique, l'essentiel de ce sport quoi.

On va changer de sujet et aborder une question plus sensible en ce moment : les ultras. Quel regard portez-vous sur les événements récents et leur traitement ?
Akhénaton : Commençons déjà par éviter les amalgames. D'un côté, tu as tous ces mecs qui vivent pour leur club, qui balancent toute leur paye pour faire les déplacements, qui se saignent vraiment et on ne peut que les saluer. Mais de l'autre, tu as tous ceux qui sont là pour se castagner. Par exemple, j'ai rien contre 
Lyon, on a toujours eu une relation particulière et forte avec cette ville et les concerts aux Nuits de Fourvière ont toujours été anthologiques, mais quand tu vois à quoi ressemblent une partie des virages lyonnais, tu prends peur... Malheureusement, c'est comme à un concert de rap. Si ça se trouve, il n'y a que dix connards qui foutent la merde, mais tout le monde trinque. Imhotep : C'est un truc que je n'ai jamais compris. On interdit dans les écoles tout signe ostentatoire, religieux, etc. Qu'est-ce qu'on attend pour en faire autant dans les stades et arrêter avec ce laxisme ambiant ? Au lieu de ça, on laisse faire, on voit fleurir des trucs à connotation raciste ou fasciste dans les tribunes. Mais le jour où ces gens auront du pouvoir, ils ne seront pas aussi doux qu'on l'est avec eux actuellement.

N'avez vous pas peur que le Vélodrome nouveau sonne un peu creux une fois terminé ?
Akhénaton : Bon en même temps, ça peut difficilement être pire et j'espère bien que ça sera un peu plus festif une fois les travaux actuels. Pour l'heure, à dire vrai, le Vélodrome, c'est juste un courant d'air, un couloir que le vent traverse donc on peut pas vraiment parler d'ambiance. Imhotep : Pourvu que les travaux ne durent pas aussi longtemps que la L2... (NDLR : rocade périphérique marseillaise toujours en travaux depuis le lancement du chantier depuis plus de vingt ans)

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