A l'occasion de
leur concert à New York et de la sortie de leur nouvel album, Akhenaton, Shurik'n, Kheops, Kephren et Imhotep
du groupe IAM se sont
entretenus avec France-Amérique, sur les bancs de Central Park.
France-Amérique : Vous avez
sorti le 22 avril votre sixième album Arts Martiens.
Pouvez-vous nous expliquer le titre de cet opus ?
Imhotep : Le titre Arts Martiens se refère aux arts martiaux.
D'abord, nous sommes assez décontractés dans notre manière de travailler, d'où
notre côté martial qui s'est ressenti dans la stucturation de certains
morceaux. Ensuite, en ce qui concerne le jeu de mots "martials, martiens",
tout simplement parce que l'on fait référence au style de rap typique de la
cité phocéenne, c'est-à-dire Marseille, notre ville d'origine. Nous avons aussi
rajouté le mot "arts",
pour préciser que nous représentons toutes les variences du hip-hop. Ce titre, assez
synthétique, reprend les trois références auxquelles on voulait faire
allusion. Nos textes, axés sur les sentiments, marquent notre retour.
C'est une production très familiale.
Lors de sa
création, quelques turbulences ont apparues...
Akhenaton : Ce ne sont pas des turbulences, c'est plutôt un
virage à 180°. En effet, nous étions partis sur un projet réalisé à partir des
musiques du légendaire chef d'orchestre italien Ennio Morricone. Ce qui, à
notre tristesse, n'a pas pu se faire. Nous nous sommes donc retrouvés
mi-septembre avec trois mois devant nous et des obligations, puisque nous
avions réservé un studio à New York en janvier, et que nous avions prévu de
collaborer avec le célèbre ingénieur du son, professeur à NYU et à Berkeley,
Prince Charles Alexander, qui avait mixé L'Ecole du Micro d'Argent en 1997. On s'est alors demandé
: est-on capables d'écrire un album en trois mois ? Une fois passé le cap de
l'abattement des deux premiers jours, on s'est relevé puis on a retrouvé notre
force de guerriers.
Shurik'n : C'était une ambiance très sportive, comme à
l'usine (rires)... Ce revirement de situation, repartir à zéro, nous a
tout de même permis de composer notre meilleur album. Sous la pression, en
général, c'est là où nous ressortons toute notre puissance, un peu comme le
font certaines équipes de foot. Cette montée d'adrénaline nous a justement
permis de resserrer les liens. Une fois enfermés en studio, nous n'avons pas eu
besoin de redéfinir les rôles, l'alchimie s'est tout de suite recréée comme il
y a six ans. C'était un vrai challenge ! Cette rage nous a poussé à écrire 43 chansons en trois mois et
demi.
Dans un
entretien, vous avez déclaré écouter plus de rap américain que de rap français.
Que puisez-vous dans le mouvement du rap US ?
Akhenaton : On a grandi à une époque où il y avait peu ou
pas de rap français. Nous sommes donc habitués
à écouter du rap américain depuis qu'on est gamins. Encore maintenant, on reste
très influencés par ce qu'on entend. Le rap US, c'est très mobile, il ne cesse
de se développer. Rien ne vaut le répertoire d'artistes old-school
new-yorkais comme Nas, The Notorious B.I.G, Big Daddy Kane ou AZ . Leurs
morceaux sont des références. La base de notre rap, c'est le son de New York.
Kheops : L'ouverture d'esprit des rappeurs
américains est un modèle pour nous. Method Man ou encore Redman ont l'habitude
de tourner en Europe plus qu'aux Etats-Unis. Une fois, nous étions en concert
en Espagne et ils sont venus nous voir pour nous soutenir et nous conseiller.
Ce sont des gens très simples, accessibles, qui n'ont pas besoin de trois
gardes du corps. Nous essayons de nous inspirer de ce tempérament et de cette
âme positive qui règne dans le hip-hop américain. Comme on dit, "derrière
le bonhomme, il y a l'artiste".
Trouvez-vous
que la France et les Etats-Unis ont un rapport différent à la culture hip-hop ?
Imhotep : Oui, d'un point de vue historique. Ce sont les
artistes du Bronx à New York qui ont incorporé cette culture dans les années
1970. Aux Etats-Unis, le hip-hop se reflète à travers une filiation de musiques
afro-américaines telles que le jazz, le blues, le funk, la soul, le rythm and
blues ou encore le reggae. Le hip-hop se retrouve quant à lui accroché à la
dernière branche de l'arbre. Les Américains ne le voient pas comme un style de
musique, mais comme un état d'esprit.
Akhenaton : La France considère encore le rap comme une
culture d'animateurs sociaux qui ont de la chance et qui ont réussi dans leurs
vies. Les gens ne le perçoivent pas comme un art à part entière. Malheureusement,
ce sont des choses difficiles à combler, en tant que rappeur français. Jeudi
dernier, nous sommes allés sur une terrasse hyper branchée appelée Boom Boom
Room au Standard Hôtel dans l'East Village. Quoi de plus magique que de s'y
assoir et d'écouter du bon hip-hop sous le soleil accompagnés par des personnes
de toutes origines. En Europe, dans le même genre d'endroits, on te mettra de
la lounge bien
souple, bien molle, bien flasque. C'est une sacrée différence !
Depuis votre
premier album en 1991, le rap français a connu une certaine évolution. Comment
le percevez-vous actuellement ?
Akhenaton : Il y a des artistes qui nous plaisent beaucoup
comme Orelsan ou Yousoupha par exemple, et d'autres nous impressionnent moins.
C'est juste une question de goût. La France a de la chance d'être dotée
aujourd'hui d'un rap un peu plus varié qu'il y a cinq ou six ans. On y retrouve
une multitude de branches, de disciplines, de groupes qui composent une musique
authentique avec des textes intelligents et des thèmes divers. Le rap français
s'est débarrassé de cette forme de snobisme, de fierté, de clichés. Il prend
aujourd'hui la même courbe que le rap américain qui, dans les années 2000, se
perdait un peu.
Vous avez
récemment tourné le teaser de votre titre "Notre Dame veille" à New
York. Vous, Akhenaton, vous avez composé un album intitulé We Luv New York avec Faf
Larage en 2011. Ce soir, vous chantez devant le public français à Central
Park. La ville de New York doit forcément occuper une grande place dans votre
coeur...
Akhenaton : C'est vrai. A nos débuts. Kheops et moi
avons sorti notre premier disque à Brooklyn en 1987. Bizarrement, notre retour
25 ans après sur la scène de Central Park est un cycle qui se boucle. New York
incarne tous les principes auxquels je crois et que je respecte. Cette ville
m'a donné ma première chance. Elle m'a autorisé à exprimer librement mes idées.
Des rappeurs américains comme Rakim ou encore Talib Kweli m'ont accueilli comme
un des leurs. Je ne l'oublierai jamais.
Shurik'n : Nous entretenons une relation à la fois musicale
et affective avec New York. Cette atmosphère, cette ambiance, cette culture du
hip-hop, notre inspiration pour nos textes se trouvent très rapidement dans ses
rues. C'est ici que tout a démarré pour nous. Ce qui est assez drôle puisque
nous n'avons jamais organisé de concert à New York jusqu'à ce soir. Sachant la
grande communauté française présente à New York, je pense qu'une forte émotion
va se ressentir des deux côtés. Nous sommes agréablement surpris de savoir que
nous y avons encore notre place vu le monde qui arrive.
Après 25 ans
de carrière, pouvez-vous nous révéler votre secret ?
Akhenaton : Notre amitié, notre confiance et notre
complicité artistique constituent un atout important. Nous nous comprenons et
nous n'avons pas peur en cas de désaccord, de crever l'abcès. Lorsqu'on fait du
rap, il est très important de mettre son égo de côté. Le plaisir reste au
centre de nos préoccupations, donc cela mène forcément à une durabilité. Nous
nous sommes jamais basés sur les enjeux. Nous sommes sanguins. Nous arrivons à
maintenir le cap dans les bons comme dans les mauvais moments.
Shurik'n : On nous décrit souvent comme les anciens du rap
français. Nous avons grandi avec ce style de musique et pour l'instant, arrêter
n'est pas envisageable. Nous sommes très fiers de cet album et ravis d'être sur
scène.
Arrêter n'est pas envisageable dit Shurik'n. Sympa. Au moins s'ils font un album, qu'ils continuent a nous fournir des titres de temps en temps.
RépondreSupprimerCONCERT DE NEW YORK :
RépondreSupprimerje vous recommande les 5 vidéo de Mathurin SOUBEIGA qui était plutôt bien placé, a un son acceptable et les morceaux entiers (pas 1 minute 32 comme certains) :
http://www.youtube.com/watch?v=dRD4cYl1OMw&list=UUQ7etg2lvwZigdZFJ7oIIUA
moi j'était juste devant, au centre mais avec les caissons de basses à moins d'un metre donc vidéos complètement inaudibles...