vendredi 23 avril 2010

Article sur la Face B dans L'alsace.fr

Le leader d’IAM publie une autobiographie et une compilation retraçant sa carrière, en groupe et en solo.

Leader du groupe IAM, Akhenaton est un maître du rap français, dont il est aussi une des têtes pensantes. Avec le Strasbourgeois Abd Al Malik, Philippe Fragione (son vrai nom) partage ainsi des racines étrangères et populaires, une conversion à l’Islam et une passion pour la philosophie soufie.

Il retrace son itinéraire, d’un village de la banlieue marseillaise au succès d’IAM ( L’École du micro d’argent fut disque d’or dès sa sortie, en 1997), dans une biographie sortie récemment. Assortie d’un triple CD contenant ses titres les plus fameux, avec IAM ou en solo, La Face B est un vrai document, explorant une époque charnière.

« Le rap, qui se voulait ouvert, contestataire, créatif, est devenu strictement l’inverse de ce pourquoi nous nous battions à l’époque »
La face B, c’est celle des premiers disques vinyles de hip hop. Elle recelait des instrumentaux permettant aux rappeurs en herbe de mettre leurs paroles en musique. C’est ainsi qu’Akhenaton a composé son premier morceau, à l’âge de 16 ans, sur un air de Run DMC.

« Éric (Mandel, journaliste au Journal du dimanche et co-auteur du livre) est parti des textes introspectifs, pour faire des allers-retours entre les chansons et mon histoire », raconte Akhenaton. L’Americano, dont les paroles sont intégralement reprises dans le livre, illustre par exemple la passion du jeune Fragione pour les États-Unis et le New York de Scorcese, Coppola et De Niro.

À la fin des années 80, il passe plusieurs mois dans la Grosse Pomme avec son pote Kheops, un DJ officiant sur Radio Sprint, une radio libre dont les émissions popularisent le rap émergeant. Akhenaton et Kheops, qui vont créer IAM, en seront des pionniers. « On a vécu une époque où on devait affirmer notre existence en France, on a eu le privilège d’être très peu nombreux : Assassin, NTM, nous… Il y avait une forme d’émulation, et l’impression de découvrir un territoire vierge », se souvient le rappeur, même si la reconnaissance n’est pas toujours au rendez-vous. « Le rap, c’est une musique de progrès, une culture majeure, qui a influencé les autres musiques, la littérature, la mode. Mais en France, on reste considéré comme des banlieusards chanceux. »

Akhenaton déplore l’évolution du genre : « Le rap, qui se voulait ouvert, de partage, contestataire, créatif, est devenu strictement l’inverse de ce pourquoi nous nous battions à l’époque : formaté, vantant des valeurs de droite, voire d’extrême-droite. »

Il estime aujourd’hui « majoritaires » les rappeurs faisant l’apologie du consumérisme, du « bling-bling » et du sexisme. « Tout le monde a la tête dans les chiffres, on ne regarde plus les lettres. »

L’auteur de Métèque et mat se range, lui, plutôt à gauche sur l’échiquier politique. Lui qui, ado, menait une guérilla contre les projets immobiliers autour son village, vote écolo depuis 18 ans. Sauf aux dernières élections, où il ne s’est pas déplacé, blasé par l’ambiance globale : les revirements de Nicolas Sarkozy, notamment sur l’écologie ( « Un jour il dit vert, le lendemain bleu »), les débats sur l’islam ou l’identité nationale. « Aujourd’hui, j’ai plutôt un rejet du pays. Parce que je l’aime. Ces gens qui estiment qu’ils vont redorer le blason de la France, en fait ils le salissent .
Simon Barthelemy
L'Alsace

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