Retour sur les 20 ans de carrière de ce groupe phare de la scène hip-hop française en s'arrêtant sur les principaux thèmes développés par le collectif tout au long de cette aventure...
IAM. Un nom qui parle aux plus jeunes comme aux plus âgés. Avec NTM, l’un des deux piliers du rap en France. Le sud et le nord. Deux styles différents, une seule raison d’être : la culture de la rue érigée en véritable art ; écriture, chant, danse et graffiti, les valeurs de base du hip hop, un hip hop qui a tellement changé en un peu plus de 20 années d’existence mais dont les principaux acteurs sont toujours aussi influents.
Oui, les anciens sont revenus en force : alors que les NTM se retrouvaient sur scène il y a quelques mois, le groupe IAM délivrait son nouvel album « Saison 5 », digne successeur de « L’Ecole du Micro d’Argent » (après la réussite ambiguë de « Revoir un Printemps »).
Mais justement, après 20 ans d’existence, quid de l’engagement de deux MC’s, Akhenaton et Shurik’n, qui ont aujourd’hui exploré presque tous les thèmes ? Quid de l'activisme de deux jeunes issus des quartiers nord de Marseille devenus parents quarantenaires ? Quid en fait de l’état d’esprit, 20 ans après ses débuts, d’un groupe qui a passé sa carrière à militer, à écrire et à s'engager ?
Pour le savoir, plutôt que de leur poser des questions maintes et maintes fois évoquées, retour sur quelques-uns de leurs thèmes les plus forts développés en chansons….
Voici IAM divisé en périodes phares : les débuts « la naissance d’IAM », l’apogée « l’école du micro d’argent » et le retour en force « saison 5 ». Première partie: les débuts du groupe.
IAM. Un nom qui parle aux plus jeunes comme aux plus âgés. Avec NTM, l’un des deux piliers du rap en France. Le sud et le nord. Deux styles différents, une seule raison d’être : la culture de la rue érigée en véritable art ; écriture, chant, danse et graffiti, les valeurs de base du hip hop, un hip hop qui a tellement changé en un peu plus de 20 années d’existence mais dont les principaux acteurs sont toujours aussi influents.
Oui, les anciens sont revenus en force : alors que les NTM se retrouvaient sur scène il y a quelques mois, le groupe IAM délivrait son nouvel album « Saison 5 », digne successeur de « L’Ecole du Micro d’Argent » (après la réussite ambiguë de « Revoir un Printemps »).
Mais justement, après 20 ans d’existence, quid de l’engagement de deux MC’s, Akhenaton et Shurik’n, qui ont aujourd’hui exploré presque tous les thèmes ? Quid de l'activisme de deux jeunes issus des quartiers nord de Marseille devenus parents quarantenaires ? Quid en fait de l’état d’esprit, 20 ans après ses débuts, d’un groupe qui a passé sa carrière à militer, à écrire et à s'engager ?
Pour le savoir, plutôt que de leur poser des questions maintes et maintes fois évoquées, retour sur quelques-uns de leurs thèmes les plus forts développés en chansons….
Voici IAM divisé en périodes phares : les débuts « la naissance d’IAM », l’apogée « l’école du micro d’argent » et le retour en force « saison 5 ». Première partie: les débuts du groupe.
« Donne moi le micro » : dans ce morceau, vous parlez avec humour de votre soif de micro, votre soif de dire des choses…
Shurik’n : (il coupe) Ouais, ouais, en même temps c’est un côté humoristique qu’IAM a toujours eu et dès le départ, même si on s’est rendu compte qu’au final les morceaux humoristiques étaient les moins qualitatifs…
Et justement, cette envie de micro 20 ans après ?…
S : Elle est toujours aussi présente. On l’exprimerait pas de la même façon mais elle est toujours aussi présente. On est rappeurs donc si on n’a plus soif de micro… ben
ya plus grand intérêt…
Akhenaton : pour nous, cette envie elle a toujours été la même : la passion d’être MC, la passion d’écrire, la passion de se remettre en question… tous les jours on est dessus, on écrit des textes, on fait des sons… il y en a peut-être 80
voire 90% qui partent à la poubelle mais pour nous et à plus forte raison dans le hip hop, la création elle doit être permanente : si tu décroches 6 mois, c’est toi qui es décroché.
Dans « Reste underground», vous parlez des critiques dont vous avez été victimes de la part des autres rappeurs, du milieu hip hop en général et notamment à l’époque du « MIA » qui avait super bien marché, et notamment commercialement… Aujourd'hui, c'est quoi être commercial?
S : Le milieu hip hop pense qu'être naturel, c’est justement ne pas montrer ton côté naturel à la
caméra. Si c’est ça ton problème, ne fais pas de disque. Parce qu’à partir du moment où tu fais un disque, tu tombes forcément dans la « commercialité » et quand je dis « commercialité », je parle de ventes, pas d’abaissement du niveau. Quand tu baisses ton niveau pour vendre, ça c’est du marketing. Notre démarche artistique, elle a toujours été égoïste : on est dans notre studio, on crée. Les seuls critères dont on tient compte, c’est les notres. Si les gens s’y retrouvent, c’est notre chance, tant mieux s’ils se sentent concernés par notre discours. Après underground, pas underground, c’est de la connerie. Tant que ton discours n’est pas perverti. Quand on sait qu’aujourd’hui, beaucoup de rappeurs invitent les programmateurs radio en studio pour
pouvoir taper dans le mille, underground je trouve que c’est un mot qui est bien lointain.
A : sur ce morceau, il s’agit surtout des gens qui érigeaient l’underground comme état de fait. Nous on ne communique pas sur ce qu’on fait, on ne dit pas quand on refuse les chèques de grosses compagnies pour faire certains deals, on dit rien, on est constant. Je pense qu’il faut aller à la rencontre du grand public sans se compromettre artistiquement, sans adapter ses chansons. Pour nous, c’est par exemple aller aux Victoires de la Musique et chanter « La Fin de leur Monde ». Pour moi, le paradoxe, c’est ces groupes qui se disent underground et qui fréquentent toutes les soirées hype de la capitale. Attention, pour moi c’est pas un problème de fréquenter ce genre de soirées, mais ne te revendique pas underground ! Tu ne revendiques pas une intégrité que tu as déjà perdue depuis longtemps... Nous on ne revendique rien.
« Sachet blanc » : il y a 20 ans vous abordiez le problème des drogues dures (cf vidéo ci-dessous). A l’heure ou la cocaïne se démocratise dans tous les milieux, quel est aujourd’hui votre discours sur la drogue ?
S : Ben tu l’as dit hein, la cocaïne s’est démocratisée. La coke, ça n’a jamais été une drogue de
quartier. Shit, herbe, ok mais la cocaïne elle est arrivée en cité lorsque toute une frange de la génération des quartiers s’est mélangée à la génération de la night de certains milieux… et puis aussi pour le business… quand ils ont vu combien ça rapportait. Alors moi j’ai juste un message à faire passer à ces messieurs qui nous gouvernent et qui mènent une guerre acharnée contre les consommateurs de hashish : ces gens-là ignorent tout du monde dans lequel ils vivent; ils ignorent que leurs enfants, dès l’age de 18 ans, se prennent du vendredi au dimanche à coup de vodka, de cokeet de cachets. Nous avec nos spliffs, on est des beatniks. Et les seuls à l’ignorer ce sont les gens qui nous gouvernent.
A : moi je suis atterré quand je vois la nouvelle génération. On a vu le phénomène se présager en Espagne et en Italie où les gamins avaient déjà bien le nez dedans depuis quelques années mais en France, la nouvelle génération, ils se font un rail comme toi quand tu étais gamin tu descendais trois bières pour ne pas raquer ta boisson en boite. C’est trop facile. Il faut rappeler les dangers : c’est quand même une drogue dure qui augment considérablement les risques de rupture d’anévrisme. C’est pas de l’homéopathie, c’est du costaud, surtout qu’ils la coupent avec des tas de merde. Et je dis là ce que je dirai à mes gamins qui auront bientôt l’âge d’aller en boite et de sortir : tu peux t’amuser sans t’en mettre plein la lampe. Et si tu es un agneau, vis ta vie d’agneau. Tu n’es pas
obligé de prendre de la coke pour te prendre pour un lion, tu vois ce que je veux dire ? C’est pas parce que t’es un doux que t’es un faible.
Dans le morceau « J’aurais pu croire », vous dîtes que vous ne croyez ni en l'Orient, ni en l'Occident, ni aux ayatollahs, ni aux rabbins, ni en Saddam, ni en Bush (Bush Senior à l'époque)... Aujourd’hui, en quoi vous croyez ou pas?
S : Bah ! Aujourd’hui malheureusement, quelques problèmes ont changé géographiquement mais ce sont exactement les mêmes. Le principal medium c’est la télé, mais vérifions bien avant de croire, on connaît ses ravages. Moi il y a encore beaucoup de choses auxquelles je ne crois pas. Coluche l’a dit, sur la télé ya un bouton en bas, si tu ne veux pas te faire gaver le cerveau, t’appuies dessus ! Mais on est tellement bien éduqués qu’à 20h30 on appuis dessus et on mange ce qu’ils veulent bien nous faire manger. Si tu veux de l’info, tu dois faire la démarche d’aller la chercher, et aujourd’hui l’alternative c’est internet.
Dans le morceau « Dangereux », vous expliquez que vous êtes surveillés, pistés par les RG, mis sur écoute… Bref, le groupe IAM est dangereux. 15 ans après, le groupe IAM est-il toujours dangereux ? Où en est votre rapport aux autorités, à la classe politique ?
Shurik’n : Aujourd’hui nous dans IAM, on est tous pères de famille donc on a encore moins de raisons de fermer notre gueule parce qu’on n’est plus seuls : on laisse des gens derrière nous.
Tu veux dire que depuis que vous avez une famille, vous avez encore plus besoin de revendiquer ?
S: Bien sur ! Avant on racontait des choses, on parlait de ce qui se passait autour de nous, maintenant c’est différent : on a des gens à protéger, on a des sujets qui nous préoccupent, les mêmes que tous les gens quand ils se lèvent le matin. Et puis on a toujours été comme ça : se révolter, revendiquer, c’est aussi ce qui nous a poussé à faire de la musique : ça n’est pas la seule raison, ça n’est peut-être même pas la bonne, mais c’est la nôtre.
Akhenaton : Pour « Dangereux », on avait été renseignés sur les RG, on savait de sources différentes qu’ils nous écoutaient… il y avait un bon petit dossier IAM. On a eu notre lot de poursuites et de rendez-vous au tribunal, notamment à l’époque de « Métèque et Mat », mais comme je te le disais (CF Interview IAM 1ère partie), on n’a pas non plus communiqué dessus… On a réglé nos affaires dans la discrétion et dans le silence… ça s’est passé principalement entre Juppé, le juge, mon avocat et moi. Il faut le savoir: la France est un pays policier qui place les gens sur écoute dès qu’ils ne vont pas dans le sens des moutons qu’ils voudraient qu’on soit.
Deuxième morceau de la période « L’Ecole du Micro d’Argent », « Petit Frère » : aujourd’hui en 2008, qu’est devenu le petit frère de 97 ?
S : Et ben je pense qu’il est devenu à l’image de la société dans laquelle il vit. Une société de baskets, de baggy, de style, de bling bling…
Donc maintenant Petit Frère roule pour sa poire ?
S: Oui ! Pour sa poire et celle de son crew, parce que – et dans le rap ça a été compris très tôt – beaucoup ont compris que si tu ne bouges pas par toi-même, personne ne le fera pour toi.
A : Petit Frère est désolé de voir le petit-petit-frère qui est arrivé. Petit Frère de 97 a aujourd’hui des responsabilités, il travaille, il est probablement père de famille ; il a grandi, il a mûri et comme à chaque génération, les gens qui arrivent à un certain niveau de maturité et de responsabilités dans la vie regardent les plus jeunes faire n’importe quoi et se disent « mais on était vraiment des petits cons ! ». On a été ces petits cons-là nous aussi… Par contre, je place une frontière avec une grande ligne marquée « respect » : moi je n’ai jamais manqué de respect aux gens. On a vécu notre adolescence, tout ça, mais jamais de hagra. La violence gratuite, je déteste ça… Quand les mecs du quartier volaient un type à cinq ou six, ça me dégoûtait… ça me dégoûte toujours autant d’ailleurs… Ce que je déteste le plus, c’est vraiment l’injustice. Ça m’horripile.
« Demain c’est Loin », le morceau ultime du rap français… Mais d'où vous est venu ce freestyle de 9 minutes??!!
S : C’est notre préféré ! En fait à la base, on était avec Freeman et le Rat Luciano, en train de refaire une mouture de l’album « L’école… » dont on n’était pas tout à fait satisfaits. J’ai écrit ce morceau dans le studio, pendant le mixage de l’album d’IAM, pour mon album solo - à cette époque je bossais aussi sur mon album solo… Je l’ai écrit en une fois. Premier jet. Je ne l’ai jamais retouché. Lorsque je l’ai fait écouter aux autres, ils m’ont dit « c’est monstrueux ! Il faut absolument qu’on le mette dans l’album ! ». J’étais OK : je l’avais écrit là, Chill avait écrit des bribes de texte sur le même thème, et on a collé les deux… Ça a donné « Demain c’est Loin ». Ce morceau pour nous, c’était vraiment le plaisir de la performance, rapper sans refrain, un gros flow, envoyer plein d’images…. Sincèrement, on pensait pas qu’un moreau comme ça, sans refrain, de 9 minutes, allait devenir le classique que c’est aujourd’hui.
A : Moi, le morceau que j’avais écrit à l’époque de la première mouture de « L’Ecole… » s’appelait « Tours de béton » ; Jo avait son couplet de « Demain C’est Loin » et j’y ai adapté mon morceau, qui se voulait comme autant de photographies, négatives ou positives, du quartier. Tu vois parfois, quand tu as enregistré ton morceau, tu as un sentiment de satisfaction en réécoutant ton travail ; là on l’a senti tout de suite… En concert, « Demain c’est Loin », c’est LE morceau le plus demandé.
Le rap est souvent considéré comme violent, comme une culture ingrate. Mais au fond, plus j'écoute leurs paroles, plus je sens que c'est le véritable âme de la société qu'ils font paraître. Quand je déprime, j'écoute du rap. C'est très encourageant. Je les encourage à continuer dans leurs art, je suis certain que beaucoup de jeunes arrivent tenir le coup juste grâce à leur musique.
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